Si l'on se demande
pourquoi il a le crane si dégarni, Maxence Van der Meersch nous
raconte l'anecdote :
« Il est petit,
il a un visage tellement maigre que les joues en sont comme aspirées,
vidées. Il a l'air chétif et malade. Il a un regard bleu naïf, un
regard de simple. (...) Et parce qu'il souffre dans son confessionnal
d'atroces maux de tête qui l'obligent à porter un bandeau sur le
front, il coupe ses cheveux sur le haut de la tête, ce qui lui fait
une bizarre apparence (...) Il appelle sa drôle de figure ''mon
carnaval'' »

A
travers son livre, l'écrivain roubaisien nous décrit
chaleureusement la petite vie de ce curé, populaire malgré lui,
nommé patron de tous les curés par Pie XI en 1929. Né en 1786 et
mort en 1859, il sera curé de la paroisse d'Ars resta 41 ans, malgré
quelques petites fugues comiquement racontées, dans des tentatives
d'échapper à sa popularité. C'est pour sa simplicité de vie (il
donne tout aux pauvres, crée une école gratuite, et n'a pour
nourriture que
''pommes de terre et pain noir'') et pour sa
dévotion qu'on commence à venir le voir, mais très vite le
mouvement prend de l'ampleur, suite à des guérisons miraculeuses.
Ne souhaitant pas faire l'objet d'un culte, le curé d'Ars attribue
très vite ces guérisons à sa Sainte-Philomène,
''son chargé
d'affaire'', ''son consul près du Bon Dieu'' et lui fait
construire une chapelle.
Mais
le subterfuge échoue, la foule devient omniprésente, oppressante,
il reçoit les fidèles en confession chaque jour « douze à
seize heures dans un recoin d'une petite église, écoutant cent ou
deux personnes qui tour à tour viennent lui dire leurs tourments,
leurs turpitudes, et sortant de là pour voir, à peine dehors, une
cohue se jeter sur lui, lui faire mal, le blesser, l'étouffer. »
Quand la psychologie des foules de Gustave Le Bon
(livre dont on connaît la postérité, jusqu'à Jim Morrison) sort
en 1895, c'est peut-être là, à travers la vie du Curée d'Ars, une
bonne illustration de ce phénomène des masses naissances. Van Der
Meersch nous décrit cette idolâtrie dans sa plus forte cruauté :
« On embrasse
ses pieds, ses vêtements. On lui arrache de dessous le bras son
bréviaire ou son catéchisme, on y vole des images saintes, ou on
s'enfuit tout simplement avec les livres, comme une relique. Des
audacieux, par derrière, lui tailladent des mèches de cheveux (...)
on pénètre jusque dans le presbytère, on lui vole des livres, un
chandelier, de vieux souliers, des vêtements, tout ce qu'il a
touché, tout ce qui a été à lui. »
Mais
même ce supplice n'empêchera pas Jean-Marie Baptiste Vianney de son
vrai nom d'exercer jusqu'au bout son office, auprès des pauvres et
des malades, vendant tout, même son vêtement de chanoine
nouvellement reçu, mangeant peu, et dormant mal. Un sacrifice qui
fascina Van Der Meersch, presque un siècle plus tard.
Vous
trouverez la statue du curé à l'entrée du déambulatoire nord, et
le roman de Van Der Meersch consultable
-en lecture libre ou téléchargeable:
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